Mar 19

Kalou Rinpoché | L’excellent Chemin suivi par les Fortunés

L’excellent Chemin suivi par les Fortunés
Les points essentiels des instructions orales venant de la bonté du saint Lama et associés à ma propre expérience.

Texte écrit par Kalu Rinpotché (1905–1989)
Traduit par Lama Trinle

Hommage au Gourou
En vous est réuni l’océan incommensurable des trois Racines,
Vous êtes le trésor d’où viennent toutes les bénédictions et accomplissements,
Vous qui nous montrez véritablement le Dharma-Kaya comme notre propre face,
Incomparable suprême Lama, accordez moi votre grâce.

Accordez moi les accomplissements,
Afin que moi et ceux qui sont mes disciples, tournions notre esprit vers le saint Dharma,
Que nous puissions voir clairement le visage de la Connaissance comme notre propre esprit et parachever le double bien.

Les 4 considérations fondamentales

Pour pratiquer le Dharma de façon parfaitement pure,
Il faut d’abord comprendre profondément le caractère véridique des actes et de leurs fruits,
Avoir la certitude que les trois mondes de ce samsara sont comme un océan de souffrances et, du plus profond de nous, se détourner de l’attachement.

Pour une fois nous avons obtenu les libertés et acquisitions (de cette précieuse existence humaine) très difficile à obtenir (comme le montrent) les exemples, les causes et le nombre.
Bien que nous l’ayons obtenue, elle est impermanente et sa mort est certaine,
comme une lampe à beurre dans le vent, il est certain qu’elle sera rapidement éteinte.
Le temps qu’elle dure est comme celui que reste un rayon de soleil passant entre les nuages.
Par ces réflexions on arrive à la profonde conviction qu’à part la seule mise en pratique des instructions du Lama il n’est rien qui soit utile.

Si l’on n’intègre pas en soi ces quatre points qui détournent l’esprit (du samsara) ;
peu importe que pendant des années on pratique ou non le Dharma ou la méditation, il est certain que notre attachement au Samsara ne fera que croître et l’on ne deviendra que plus borné.
Il ne faut donc pas se départir de cette base de la méditation sans laquelle tous les moyens sont compromis.

C’est pourquoi les fortunés qui sont détachés du cycle, se doivent de les mettre en pratique.

Introduction à la nature de l’Esprit

Voici ce que l’on appelle Dharma-Kaya ou Maha-Moudra
C’est cet esprit qui fait s’élever en nous toutes les diverses pensées et réflexions.
Sans y ajouter, modifier ou faire quoi que ce soit, on le laisse détendu en son propre mode d’être.
Sans se focaliser sur quelque objet, extérieur ou intérieur
Sans s’attacher à des expériences comme la clarté, la vacuité etc., sans aucune méditation mentalement fabriquée.

L’Esprit au repos a la nature des 3 Corps

Sans que décroisse la clarté de la “simple reconnaissance”, demeurant en sa propre luminosité, le mode d’être essentiel, la nature fondamentale de l’esprit, n’ayant aucune consistance que ce soit, vide et limpide, c’est le Dharma-Kaya.
Rien n’interrompant sa radiante luminosité, resplendissement de la “simple reconnaissance”, c’est le Nirmana-Kaya.
L’union inséparable et omnipénétrante de la clarté, connaissance et vacuité, c’est le Sambhoga-Kaya.
Ainsi, bien que cet esprit reste au repos, il a la nature des trois corps.

L’Esprit en mouvement a la nature des 3 Corps

Essentiellement, tout ce qui apparaît aux six consciences, ainsi que les pensées qui s’élèvent est sans consistance.
Comme pour la radiance ininterrompue, ces divers aspects, pensées et réflexions, s’élevant en une “ouverture dégagée”, c’est le Nirmana-Kaya.
Celles-ci ne consistant en rien de véritable, ni intérieur ni extérieur, vide et limpide, c’est le Dharma-Kaya.
Depuis toujours, ces deux sont inséparables; lumineux clairs et radieux, c’est le Sambhoga-Kaya.
Ainsi, bien que cet esprit soit en mouvement, il n’a pas quitté la nature des trois corps.

Les différentes appellations du Maha-Moudra

Cet esprit même, dégagé de tout artifice, modification, orientation, saisie, cet esprit d’une “simple reconnaissance”, connaissance vide et claire, on l’appelle: “La connaissance immédiate du présent” ou encore “La connaissance ordinaire” (connaissance simple).
Étant pure, depuis l’origine, des connaissances conceptuelles, illusions, saisies, n’étant pas altérée par les pensées (relatives aux) trois temps, dégagée des fabrications mentales; ne quittant jamais l’intemporel ou “La connaissance immédiate du 4ème temps”, on l’appelle aussi “La quatrième dimension”, au-delà des trois (temps), pure depuis l’origine.

Tous les phénomènes du samsara et du nirvana étant parachevés en l’esprit, c’est “Le Grand Achèvement” Dzogpa Tchènpo.
Au-delà de tous les extrêmes de l’être et du non être, de l’existence et de la non-existence etc., étant comme un axe central et droit, c’est “La grande Voie du Milieu”, Madhya-Mika.
Etant comme le cœur ou la vie de tous les phénomènes, c’est “La précieuse Bodhicitta de l’ultime vérité”.
Comme il n’y a rien au-delà de cette connaissance primordiale “Vide-Claire et Connaissante” c’est le Maha-Moudra.

La Voie du Maha-Moudra

Cette (nature de l’esprit) il faut commencer par la reconnaître.
Ensuite il faut la préserver sans interruption;
Finalement, elle devient (une réalisation) manifeste.
La stabilité est le fruit qu’il faut obtenir.
Cette “connaissance immédiate”, grand parachèvement originel des trois corps est la Voie même qu’ont suivi les saints êtres d’antan.
La préservant continuellement durant les quatre types d’activités, comme le courant d’un fleuve, en une seule vie, ils s’en sont allés en la grande union, terre (état) des vainqueurs.

Ainsi si l’on peut reconnaître cette pratique elle est “Le Maha-Moudra panacée universelle”.
Si on l’a c’est suffisant; si on ne l’a pas, on ne l’a pas!
Si (au lama) qui nous transmet cet enseignement unique et profond, on offrait les trois univers remplis d’or, ce ne serait pas un moyen (suffisant) pour lui retourner sa bonté.

Homme avec un carquois (militaire) est Bouddha.
Femme avec fil et laine (couturière) est Bouddha.
Cultivateur avec des fermes est Bouddha.
Patron avec des employés est Bouddha.
Berger avec des troupeaux est Bouddha.
Pour les fortunés aux facultés vives qui peuvent reconnaître cette quintessence des enseignements profonds (permettant d’obtenir l’état de) Bouddha sans abandonner les objets sensoriels, c’est comme tenir dans sa main le joyau qui exauce tous les souhaits. Il ne faut pas le perdre mais s’engager à bien le garder.

Les dangers d’une compréhension partielle

Maintenant, si l’on a à peu près compris (ce qu’est) la face de l’esprit, que l’on s’en rappelle de temps en temps, la reconnaissant un peu et que par suffisance (on pense que) : La prise du refuge, la bodhicitta, la dévotion, la compassion, les prières, les récitations, la méditation sur les divinités, la récitation des mantras, les accumulations, la purification de voiles etc. on n’en a pas besoin, c’est avoir une vue erronée.
Nos attachements ne feront que croître par rapport à ce qu’ils étaient auparavant.
Ces idées présomptueuses étant fort nombreuses, elles nous feront errer indéfiniment dans le samsara.
Il nous faut donc nous examiner minutieusement, sans déviation et continuellement pour voir si nous n’avons pas de telles pensées.

Les avantages des diverses pratiques

Jusqu’à ce que l’on ait obtenu une pratique stable, le refuge, la bodhicitta, la dédicace, les prières et souhaits, faisant que le Dharma ne devienne pas non-Dharma, que quoi que l’on fasse prenne la voie de la libération, que les racines de la vertu ne s’endommagent pas mais se développent de plus en plus, sont des moyens profonds qu’il ne convient pas de rejeter.

Les prières, les récitations, les circumambulations, les offrandes, (nous faisant) promptement parfaire les deux accumulations, purifier rapidement les deux voiles et réaliser aisément le Maha-Moudra, Dharma-Kaya, ce sont des moyens profonds et indispensables.

Méditation sur les Divinités

Reconnaissant toutes les apparences comme irréelles, ayant la nature d’une illusion ou d’un rêve,
Notre propre apparence, ce corps, (est vu comme) Dordjé Pamo ou quelque autre Yidam, son corps, visage, bras, ornements au complet.
L’apparence est sans nature propre.
La luminosité est non conceptuelle.
La félicité est sans attachement.

Notre esprit apparaît comme la radiance même de la vacuité.
Ainsi, l’esprit et le corps de la divinité, indifférencié, a la nature des trois :
Fondement (vacuité), clarté et radiance, les aspects des trois (corps) Dharma, Sambhoga et Nirmana- Kayas étant depuis toujours à demeure en l’essence de la grande connaissance originelle, on ne quitte pas la fierté de cette reconnaissance.
Les apparences, sons et pensées étant reconnus comme ayant la nature de la divinité, de son mantra et de la connaissance originelle.
Les saisies de la réalité ordinaire sont complètement détruites.
Les tendances à la saisie d’un ego sont radicalement extirpées, l’attachement, la colère et les conceptions erronées sont fondamentalement détruites.

En le Dharma-Kaya incréé (c’est l’état de) Bouddha.
La radiance de la connaissance devient manifestement le déploiement du Sambhoga-Kaya.
Pour ceux qui sont à discipliner, les œuvres du Nirmana-Kaya surviennent jusqu’à ce que le samsara soit vide.
On ne peut pas ne pas faire cette pratique !

La Compassion – Tonglèn

Ne réalisant pas ce mode d’être, tous les êtres de l’univers sombrent constamment en le grand océan de souffrances du samsara. On y pense avec pitié et les considère avec compassion.
Parfois on pense que toutes leurs souffrances, leurs causes et leurs fruits, fondent en nous. Ils sont libérés de la souffrance.

Toutes nos vertus et bonheurs fondant en eux, ils reçoivent, relativement bonheur et joies; et, ultimement ils obtiennent l’état de Bouddha.
Il faut faire encore et encore cette pratique du don et de la prise en charge. C’est le souverain de tous (les moyens) pour purifier les voiles, la suprême des protections, la cotte de mailles de l’amour, le heaume de la compassion.
Il est dit que la vacuité a pour cœur la compassion. Étant la cause de (l’état de) Bouddha, sans ce point profond on est sans moyen de le réaliser.

Le Lama et la Dévotion

C’est le lama qui nous donne toutes ces instructions et, plus particulièrement, nous montre que le visage même du Bouddha est notre propre esprit.
Du point de vue des qualités, il réunit toutes celles de l’incommensurable océan des trois racines. Il a la nature glorieuse de myriades de qualités, pures et parfaites.
Du point de vue de la bonté, comparé à tous les vainqueurs et leurs fils des trois temps, il faut savoir qu’il est encore plus sublime.

Quelque apparence qui se manifeste, elle est le jeu du lama.
Quelque joie ou souffrance qui survienne, elle est la bonté du lama.
Convaincus, du plus profond de nous, qu’hormis le lama, il n’y a aucun espoir, sans se départir d’une dévotion qui nous émeut jusqu’aux larmes, on s’en remet entièrement en lui (pensant) “Quoi qu’il convienne de faire, vous le savez”.
Tous les obstacles se dissipent, tous les avantages, les bienfaits, la grâce, les accomplissements, les expériences et la réalisation, tout cela nous arrive comme les fruits durant l’été.

Toutes les qualités des terres et des chemins étant parachevées en un moment, en cette vie, on obtient aisément l’état d’un grand accompli.
Le moyen profond qui le permet, et dont il ne convient pas de se passer, cette profonde voie, est la dévotion au lama.

Conclusions

Ne se défaisant pas de tous (ces moyens) qui se complètent et s’entraident les uns les autres, mais les appliquant à soi, il est inutile de douter, on accomplira son propre bien et celui des autres.
Tout l’ensemble des 84 000 enseignements du Vainqueur est uniquement un moyen pour discipliner l’esprit.
Toutes les années passées à pratiquer ou méditer sans avoir discipliné l’esprit ne faisant que renforcer les huit Dharmas mondains, rejetons les au loin.
Sans accroître notre saisie des conceptions erronées et attachements envers le cycle irréel, ayant la nature d’une illusion, mais s’engageant avec détermination et abandonnant (les valeurs) de cette vie, encore et encore, tout le temps, (il faut) appliquer à soi les instructions qui ont été expliquées précédemment.

Quelques derniers conseils

Etre un érudit et penser “je suis très intelligent, je suis excellent”,
Un grand méditant avec beaucoup d’attachement et fixé à la réalité,
Avoir des vœux et par des mensonges tromper autrui,
Un bodhisattva tenant de bonnes paroles mais avec un mauvais esprit,
Avoir l’apparence d’un lama et se nourrir d’offrandes noires,
Etre un moine et déprécier la discipline avec hypocrisie,
Etre stupide et avoir une école attachée au sectarisme,
Un “grand enseignant” attaché aux mots et discours artificiels,
Maître d’un monastère etc. en étant sectaire, attaché et coléreux,
Un grand prétentieux qui méprise le Dharma,
De tels poisons il faut abandonner et chaque matin prendre l’engagement de ne pas être pris dans de telles actions.

Aujourd’hui nous avons obtenu les libertés et acquisitions,
Que maintenant nous pratiquions la vertu ou le vice est entre nos mains.
Nous avons véritablement obtenu le joyau qui exauce les souhaits.
De l’enseignant qui porte sur lui, comme sa propre tête,
Les enseignements non sectaires,
Qui applique le Dharma à sa propre personne,
Du lama qui possède la grâce de la lignée, il faut requérir, encore et encore, l’élixir du Dharma qui libère et fait mûrir (les qualités).
Recueillez les instructions non sectaires, comme (les abeilles) le nectar des fleurs.

Alors que vous vous instruisez sur la voie courte n’errez pas en de vastes domaines.
Concentrez-vous uniquement sur les points essentiels des instructions
Car cela a le pouvoir de réduire en poussière les fondements même de ce samsara.
Ainsi, disciples, gardez-le en votre cœur.
Si l’on ne garde pas en l’esprit les instructions du lama on pourrait remplir d´écrits les trois univers, ce ne serait que cause d´ennui.
Si l’on applique à soi les instructions, par cela même on sera conduit vers l’état de Dordjé Tchang.

Colophon

Soga le guide expérimenté des disciples pourvus de foi et de nombreux fortunés m’y ayant exhorté, encore et encore, non sectaire et dégagé des actes (mondains), avec en son cœur un esprit bienveillant, Rang-djoung Kün-kyab (Kalu Rinpotché) a écrit clairement et sans rien cacher toutes les instructions qu’il a appliqué à lui-même.

Dédicace

Par cette vertu, puissent tous les êtres, abandonner les (valeurs) de cette vie et réaliser le sens du Maha-Moudra, la claire lumière.

SARWA MANGALAM SHUBHAM